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Versements d'acomptes et point de départ des intérêts moratoires dus en cas de dégrèvement

Yanis GANDRILLON

13 juil. 2023

Droit des sociétés

Dans une décision du 5 juin 2023 (CE, 5 juin 2023, n° 465559), le Conseil d’Etat juge, sur le fondement de l’article L. 208 du Livre des procédures Fiscales (LPF), que les intérêts moratoires dus par l’administration au contribuable, à la suite d’un dégrèvement de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) issu d’une réclamation contentieuse, courent à compter de la date de liquidation de l’imposition, et non à compter de la date de versement des acomptes de l’impôt.



En vertu de l’article L. 208 du LPF, lorsque l’Etat est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal ou qu’un tel dégrèvement est prononcé par l’Administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires au taux de 0,20 % par mois prévu au III de l’article 1727 du Code général des impôts.


Le même article précise que ces intérêts « courent du jour du paiement » des impositions concernées et qu’ils ne sont pas capitalisés.



En l’espèce, à l’issue d’une réclamation, une société obtient, en 2018, un dégrèvement partiel de la CVAE acquittée au titre des années 2014 et 2015. Les intérêts moratoires ainsi obtenus par la société ont été calculés par l’Administration à compter de la date de la liquidation de la CVAE, et non à compter de la date de paiement des acomptes de la CVAE dégrevée.


La société conteste le calcul des intérêts moratoires et n’obtient satisfaction ni devant l’Administration ni devant le tribunal administratif de Montreuil.


En revanche, la Cour administrative d’appel de Versailles censure le jugement rendu par le TA de Montreuil et se prononce en faveur du contribuable. Elle considère ainsi que les dispositions des de l’article L. 208 du LPF doivent s’entendre comme faisant courir le point de départ des intérêts moratoires à compter de la date de versement des acomptes de CVAE, et non à compter de la date de la liquidation de l’imposition (CAA de Versailles, 24 mai 2022, n°20VE01945).



Le Conseil d’Etat censure la CAA de Versailles et confirme la position retenue par l’Administration ayant décidé que le point de départ des intérêts moratoires se situe à la date de liquidation du solde de la CVAE contestée, sans égard donc à d’éventuels versements préalables d’acomptes provisionnels.


Dès lors, le Conseil d’Etat retient que les intérêts moratoires prévues par l’article L. 208 du LPF « ne sauraient courir au titre d’une période antérieure à l’établissement de l’impôt correspondant, indépendamment de l’éventuel versement d’acomptes effectué en application des règles relatives au recouvrement de cet impôt » (la CVAE au cas d’espèce).



Le Conseil d’Etat s’écarte donc de la lecture stricte des dispositions de l’article L. 208 du LPF jusqu’alors retenue par les juges du fond qui considéraient que le versement d’un acompte provisionnel constituait un paiement au sens dudit article (par exemple, TA Montreuil, 30 n 2020, n° 1903767, 1907448).


A l’inverse, le Conseil d’Etat décide donc que les intérêts moratoires dues par l’Administration ne peuvent courir avant que n’ait été établi l'impôt objet du dégrèvement.


S’agissant d’un impôt dont le recouvrement s’opère par le versement d’acomptes prévisionnels successifs, la date d’établissement dudit impôt correspond à la date de la liquidation du solde restant dû par le contribuable après versement de la totalité des acomptes prévisionnels dus, de sorte qu’aucun intérêt moratoire ne saurait courir antérieurement à cette date.



Si la présente décision est rendue en matière de CVAE, appelée à disparaitre à compter de 2024, elle pose néanmoins un principe général qui, comme le souligne le rapporteur public dans ses conclusions, est susceptible de s’appliquer aux autres impôts donnant lieu au versement d’acomptes, tel l’impôt sur les sociétés, ou à des moyens de recouvrement similaires comme le prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu.


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