top of page

Le contrat d’épargne retraite facultative conclu par une société pour le compte de son gérant constitue-t-il une convention réglementée au sens des dispositions du code de commerce ?

Yanis GANDRILLON

26 mai 2023

Droit des sociétés

Le contrat d’épargne retraite facultative conclu par une société pour le compte de son gérant constitue-t-il une convention réglementée au sens des dispositions du code de commerce ?  



En application des articles L. 223-19 et s. (SARL), L. 227-10 et s. (SAS) et L. 225-38 et s. (SA), constitue en principe une convention réglementée toute convention conclue directement ou par personne interposée entre une société et l’un de ses dirigeants ou associés, ou actionnaires significatifs, sauf à ce que cette convention porte sur des opérations courantes et soit conclue à des conditions normales.


L’enjeu majeur de la qualification de convention réglementée réside dans la mise en œuvre des procédures de contrôle a posteriori, s’agissant des SARL et des SAS, ou d’approbation préalable, s’agissant des SA, telles que définies par la loi.



A défaut de respecter ces procédures, il est prévu que les conséquences préjudiciables d’une telle convention peuvent être mises à la charge de l’intéressé.


Il importe donc de déterminer si le contrat d’épargne retraite facultative conclue par une société pour le compte de son gérant constitue une convention réglementée afin, le cas échéant, de respecter la procédure contrôle a posteriori (SARL et SAS) ou d’approbation préalable (SA) pour éviter que le dirigeant ne puisse se voir contraint de supporter personnellement le paiement des cotisations contractuelles.



Puisque la rémunération du gérant de SA est fixée soit statutairement soit par décision collective des associés, la jurisprudence considère de façon constante que la rémunération du gérant ne constitue pas, à défaut de véritable convention conclue entre la société et son dirigeant, une convention réglementée (par exemple, Cass. com., 4 mai 2010, n°09-13.205 et Cass. com., 4 oct. 2011, 10-23.398).


Rendue s’agissant d’une SA, cette solution semble transposable à la SARL dès lors que la rémunération du dirigeant y est là aussi fixée soit par décision collective des associés soit par des dispositions statutaires.


S’agissant de la SAS, la Commission des études juridiques de la CNCC considère de façon similaire que lorsque la rémunération du président de la SAS est statutairement fixée ou résulte d’une décision collective des associés, la procédure des conventions réglementées n'a pas à s'appliquer car elle ferait double emploi avec la décision des associés (CNCC, EJ 2017-53).



Inversement, puisque le code de commerce ne prévoit pas la fixation des rémunérations des dirigeants de la SAS par un organe social particulier, ladite rémunération relève du régime des conventions réglementées lorsque ses conditions de fixation et son attribution sont de nature purement contractuelle.


En dehors de cette hypothèse, et faisant suite à la décision écartant la qualification de convention réglementée s’agissant de la rémunération d’un dirigeant non fixée de façon purement contractuelle, la chambre commerciale de la Cour de cassation a pu décider que les pensions de retraite allouées au dirigeant d’une société, une SA en l’espèce, lors de la cessation de ses fonctions échappent à la procédure des conventions réglementées lorsqu’elles s’analysent en un complément de rémunération (Cass. com., 3 mars 1987, n° 84-15.726).



La même chambre a précisé, dans la même décision, que les pensions de retraite peuvent s’analyser en un complément de rémunération uniquement lorsque trois conditions sont cumulativement réunies :


-  l'avantage consenti est la contrepartie de services particuliers rendus à la société par le dirigeant pendant l'exercice de ses fonctions ;

-  il est proportionné à ces services ;

-  il ne constitue pas une charge excessive pour la société.



Néanmoins, il résulte d’une décision ultérieure de la chambre commerciale de la Cour de cassation qu’une pension de retraite ne peut être qualifiée de complément de rémunération que si elle est attribuée par la société à son gérant en contrepartie de services particuliers rendus par ce dernier, distincts de ses fonctions sociales et pour lesquels il n’a pas encore reçu de rémunération (Cass. com., 10 novembre 2009, n° 08-70.302) ce qui est rare en pratique.


Ainsi, un contrat d’épargne retraite facultative conclu par une société pour le compte de son gérant constitue par principe une convention réglementée au sens des dispositions du code de commerce.



Néanmoins, les articles L. 223-20 (SARL) et L. 225-39 (SA) du code de commerce dispensent de la procédure normalement applicable aux conventions réglementées les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales.


Selon la compagnie nationale des commissaires aux comptes, constitue une opération courante une opération que la société réalise habituellement dans le cadre de son activité sociale, étant précisé que l’appréciation s’opère de façon objective (CNCC, Les conventions réglementées et courantes, février 2014 p. 10).


La chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser, s’agissant d’une SA, que du caractère unique d’une convention découle son caractère exceptionnel, lequel est exclusif de la qualification d’opération courante (Cass. com., 11 mars 2003, n° 01-01.290).


Le contrat d’épargne retraite facultative étant, le cas échéant, conclu une seule fois par la société pour le compte d’un dirigeant donné, il ne saurait constituer une opération courante.



Dans l’attente d’une confirmation de cette solution par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le Mémento Sociétés Commerciales 2023 recommande, s’agissant d’une SA mais selon un raisonnement transposable à la SARL, de soumettre à la procédure des conventions réglementées l’attribution d’une pension de retraite allouée au dirigeant en raison de services rendus au titre de l’exercice de ses fonctions de direction (Mémento Sociétés Commerciales 2023, n° 52691).


A défaut de respecter la procédure de contrôle a posteriori (SARL et SAS) ou d’approbation préalable (SA) de ladite convention, le dirigeant pourrait dès lors se voir contraint de supporter personnellement le paiement des cotisations contractuelles.

bottom of page