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Le dirigeant s'octroyant une rémunération sans l'approbation des associés commet-il une faute de gestion ?

Chiara AUBERT

28 avr. 2023

Droit des sociétés

Cour d’Appel de Paris, décision du 22 février 2023

 

En l’espèce, une société en nom collectif (SNC) exploitant un fonds de commerce de tabac, presse et jeux, a été placé en liquidation judiciaire.


Au cours de cette procédure, le liquidateur a agi en responsabilité contre le gérant pour insuffisance d’actif. Il lui était reproché d’avoir frauduleusement augmenté le passif de la société en percevant, pendant cinq ans, des rémunérations sans que les statuts de la société aient été respectés. Ces derniers imposaient l’approbation préalable des rémunérations à l’unanimité des associés.



A noter ici que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, les dirigeants peuvent, en application de l’article L. 651-2 du Code de commerce, être condamnés à supporter tout ou partie de cette insuffisance s’ils ont commis une faute de gestion ayant contribué à celle-ci. Toute faute de gestion, même légère, peut entraîner la mise en cause de la responsabilité des dirigeants sociaux. Toutefois, une simple négligence dans la gestion de la société ne peut pas être qualifiée de faute de gestion (C. com. art. L 651-2, al. 1).



Toutefois, la Cour d’Appel de Paris, dans sa décision en date du 22 février 2023, a rejeté l’action en responsabilité formulée par le liquidateur à l’encontre du gérant. Ladite Cour a considéré que, quand bien même le montant de la rémunération n’avait pas été formellement validé par les associés, ces derniers avaient admis, de fait, un droit à rémunération correspondant à un travail dont l’ampleur n’était pas discutée. Par ailleurs, le versement de cette rémunération ne s’était accompagné d’aucune dissimulation, dès lors que celui-ci était expressément mentionné dans les comptes que le gérant souhaitait faire approuver lors des assemblées générales annuelles.



Dans cette décision, en jugeant que le gérant, en se versant une rémunération sans obtenir la décision des associés prévue par les statuts, n’avait pas commis de faute, la Cour d’Appel de Paris s’est positionnée à contre-courant de la jurisprudence traditionnelle.


En effet, dans la jurisprudence antérieure, il était admis que la rémunération d’un dirigeant social pouvait, si elle était manifestement excessive au regard de la situation financière de la société dirigée, constituer une faute de gestion pouvant être retenue à l’appui d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif (Cass. com. 4 janvier 2000, n°97-10.389 ; Cass. com. 31 mai 2016 n°14-24.779 F-D). En outre, il avait été jugé, cette fois-ci en dehors de toute action en comblement de passif, que constituait une faute de gestion le fait pour un dirigeant de s’être octroyé une rémunération de son propre chef, sans décision des associés, alors que les statuts le prévoyaient (Cass. com., 13 mars 1974, n° ; CA Rennes, 28 juin 2022, n°20/02742). Ici, le principe même des prélèvements était fautif sans qu’il soit nécessaire de caractériser ces prélèvements comme excessifs (CA Rennes 28 juin 2022, précité).

 

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